Ce vide contrastait avec une créativité et un dynamisme
impressionnants, la multiplication des galeries et des ventes aux
enchères dans les grandes villes du royaume, la prochaine ouverture
d’un musée d’art contemporain à Rabat, la création d’espaces
d’exposition par les fondations des groupes industriels ou financiers
qui débloquent des fonds pour acquérir des oeuvres comme jamais dans
l’histoire du mécénat au Maroc et une envolée des prix inédite et
insondable. Bref, avoir des tableaux est devenu une obligation,
véritable must de la réussite sociale dopé par les penchants et les
acquisitions du roi Mohammed VI amateur, dit-on, d’art moderne et
contemporain.
Le coeur du problème
L’engouement est tel qu’on s’étonne qu’il ait fallu si longtemps pour
voir réunies plusieurs générations d’artistes marocains, de Hassan El
Glaoui à Farid Belkahia - auxquels un hommage à été rendu - et tout
l’éventail de la création marocaine, peinture, photo, vidéo et
installations. En ce sens, Abderrazzak Benchaâbane a réussi son pari en
lançant cette première biennale à laquelle ont participé six galeries,
cinq marocaines et une française. Le début est prometteur, même si
s’imposent la création d’un conseil scientifique et l’association de
davantage de galeries marocaines, notamment celles de Casablanca, et de
galeries étrangères à la fois pour pérenniser le salon et faire
connaître les artistes marocains à l’étranger.
Car c’est là le coeur du problème. Rares sont ceux dont la notoriété
franchit les frontières du Maroc alors que les talents y foisonnent, du
très couru Mahi Binebine à Mohamed Mourabiti, Fouad Bellamine, Ilias
Selfati, Yamou, Hassane Bourkia en passant par la nouvelle génération
des Younes Kourassani, Said Raji, Moulay Youssef El Kahfaï, Amina
Benbouchta, le vidéaste Hichem Benohoud ou Safaa Erruas, qui a présenté
une superbe installation, hélas pas assez mise en valeur, au salon de
Marrakech. Une situation résumée par Toni Maraini. «Les galeries en
Europe ne savent même pas que l’art existe au Maroc», a affirmé cette
historienne de l’art, tandis que l’universitaire Jean-François Clément
notait «qu’on ne savait pas utiliser l’art pour changer l’image du
Maroc à l’étranger».
Pour Lobservateur.ma