C'est dommage que ce patrimoine soit en voie de disparition. D'où la
constitution de notre association ‘Terres de femmes'. Dans notre
première démarche, nous avons été aidées par le livre de M.Berrada qui
contenait une carte indiquant les endroits où nous pouvions localiser
les femmes potières. Notre but est de les encourager à continuer ce
travail, en rachetant leurs poteries que nous ramenons en ville, tout
espérant leur trouver d'autres débouchés. Bien sûr, tant qu'elles
améliorent leur travail et le soignent, leur prix augmente. Par ce
procédé, nous essayons de motiver les jeunes à apprendre ce métier»,
souligne Mme Agnès Goffart, présidente de l'Association «Terres de
femmes» et potière professionnelle. Ces poteries, travaillées avec
beaucoup de passion, mettent en exergue le travail esthétique et
combien créatif de ces femmes rurales regroupées dans cette
association, dont l'objectif essentiel consiste à préserver et
promouvoir la poterie rurale féminine.
«Nous constatons que les potières arrivent à améliorer leur dessin, il
y en a même qui commencent à créer de nouveaux modèles. Mais, nous
tenons à ce qu'elles ne perdent pas leur identité, en conservant leurs
traditions de la décoration », ajoute-t-elle. En effet, c'est la
mission que s'est assignée l'association, afin de pérenniser l'art de
la poterie qui constitue un riche legs patrimonial national. « Après un
certain temps de travail avec ces femmes, nous avons remarqué une nette
amélioration de leurs conditions de vie. Cela fait partie de nos
aspirations et nous motive dans cette mission qui n'est pas aussi
facile, du fait que ces potières habitent dans des villages très
lointains, difficiles à atteindre, surtout en période d'hiver. Nous
souhaitons que cette initiative porte ses fruits et franchisse les
frontières. Nous avons déjà une proposition de la Biennale de Belgique
qui invite toute la poterie européenne plus un pays étranger. L'année
prochaine, ce sera à l'honneur du Maroc », précise la présidente de
l'association, qui mène cette tâche avec beaucoup de courage et de
persévérance, souhaitant de tout son cœur qu'il y ait une relève après
sa retraite pour pouvoir continuer cette mission et sauvegarder ce legs
ancestral que nous avons le plaisir de découvrir à la galerie du
Bouregreg.
Ainsi, jarre à eau, cruche, marmite, vase à traire, baratte à beurre,
brasero, enfumoir, tasse, pots divers, entre autres, nous sont offerts,
d'une manière artistique, pour mieux les apprécier et percevoir leur
spécificité par rapport à la région à laquelle ils appartiennent. Cette
appartenance qui se maintient fortement dans la mémoire culturelle des
potières. Par la même occasion, un collectif de potiers canariens a été
invité par l'association «Terres de Femmes». Il présente pour la
première fois ses travaux au Maroc, notamment des céramiques
représentatives des îles de l'Archipel ayant des similitudes avec la
poterie berbère traditionnelle. « Les Canariens se sont aperçus qu'ils
sont originaires de tribus du Sud du Maroc. Donc, ils nous ont demandé
s'ils pouvaient venir exposer leurs travaux. Ce qui était envisageable
avec cette exposition des femmes rurales du Nord. Les formes de leurs
poteries ressemblent à celles du Sud du Maroc, avec une nette évolution
dans le travail. Ils ont aussi profité de ce séjour au Maroc pour aller
visiter les femmes potières dans quelques villages du Sud et espèrent
exposer à Agadir. Ils sont très contents d'être sollicités dans cette
prestation ». En effet, ces potiers canariens sont fiers de faire
connaître aux Marocains la richesse et la qualité de leur tradition
céramique, puis de renouer des liens avec leur culture d'origine.
Poterie féminine rurale
La poterie rurale féminine dans le Nord marocain est spécifique aux
régions rurales et montagneuses où l'appartenance à une tribu se
maintient fortement dans la mémoire culturelle des potières. Cette
poterie est attachante par son authenticité et son éclat. Les femmes
façonnent l'argile à la main, montent aux colombins sur un fond plat,
décorent avec un pinceau rudimentaire et cuisent dans une excavation à
l'air libre ou dans un four construit en argile. Les hommes potiers,
étant à une époque peu appréciés, cédèrent leur métier à leur femme et
se chargèrent d'aller vendre les poteries au souk ou le long des
routes. Ces poteries sont fonctionnelles, d'une extrême simplicité,
éclatantes dans leurs couleurs naturelles. Leurs formes ressemblent
étrangement à celles de la production grecque, phénicienne et
carthaginoise. Certaines sont décorées, d'autres non.
Le Matin du Maroc