dimanche, 28 septembre 2008 11:56

L'Islam du Maroc au défi Spécial

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Présidant samedi à Tétouan l'ouverture des travaux du Conseil supérieur des Ouléma, Sa Majesté le Roi, Amir Al Mouminine, a prononcé à cette occasion un important discours qui a valeur de réforme programmatique et affirmé sa détermination à «aller de l'avant dans la mise à niveau du champ religieux». Le moment – jour de la commémoration de Laylat al-Qadr - et le lieu - Tétouan qui est une citadelle phare de l'authenticité et de l'ouverture - confèrent au propos royal une dimension significative.

C'est à une vaste et profonde réforme que l'allocution royale appelle. Elle concerne le champ religieux qui, depuis son accession au Trône en juillet 1999, constitue aux yeux du Souverain un domaine de prédilection qui reflète et préfigure le Maroc moderne et enraciné dans ses valeurs ancestrales. Et pour mieux illustrer une telle volonté, proclamée dès les premiers mois du règne, mais de nos jours à l'œuvre, le Souverain entend la déployer par le biais d'une généralisation qui concernera indistinctement régions et provinces du Royaume. Elle donnera à la régionalisation sa pleine force et l'impact nécessaire d'une réforme jusqu'ici inédite et novatrice.

C'est dans ce sens que le Souverain trace d'emblée les contours de ce grand redéploiement en affirmant qu'une telle «mesure permettra de répondre à la nécessité impérieuse de prendre en considération les spécificités et les coutumes propres aux habitants de chaque région, et d'apporter des réponses aux questions qui les interpellent en matière religieuse». Force nous est de souligner que le propos du Souverain constitue le condensé, limpide et profond, d'une vaste problématique. Il donne la mesure de la prise de conscience du Souverain du rapport du citoyen à la religion, et de sa volonté irrépressible d'opérer dans une harmonie parfaite l'interpénétration intelligente et objective de la spiritualité et de la modernité.

C'est aussi, à n'en pas douter, la raison pour laquelle S.M. le Roi met en relief une vision de proximité, en mettant sur pied non seulement des conseils régionaux des Ouléma, mais aussi spécifiquement un Conseil des ouléma pour la communauté marocaine installée en Europe. Celle-ci, en aucun cas, ne peut ni se détacher de l'Islam marocain ni rompre le cordon ombilical avec sa spiritualité originelle. La décision royale en ce sens procède d'une grande sollicitude, du devoir monarchique envers ses fidèles citoyens et, aussi, du devoir de protection de ces derniers face aux coupables déviations et aux dérives qui, d'un continent à l'autre, offrent hélas parfois une image réductrice de l'Islam et donnent l'occasion à ses adversaires patentés de le critiquer.
A cela, et avec l'autorité et le privilège que son titre et sa fonction de Commandeur des croyants lui confèrent, S.M. Mohammed VI apporte la réponse idoine, convaincante et argumentée : «La décision de créer, souligne le Souverain avec force, un Conseil des ouléma pour la communauté marocaine en Europe est une initiative de nature à favoriser une certaine ouverture sur les spécificités religieuses et culturelles de cette communauté et à aider à prémunir la foi et les valeurs authentiques qui font la singularité de leur identité marocaine contre les velléités intégristes et extrémistes». En amont et en aval, la démarche est globale, elle se complète d'un bout à l'autre au travers d'une volonté manifeste de réformer sans pour autant s'écarter des principes cardinaux de s'inscrire dans notre culture de sagesse et de pérennité. Cependant, la réforme si elle ne s'appuie pas sur un socle ne pourrait être que vaine promesse. Suite en page 2
Or, Sa Majesté le Roi entend la doter et la fortifier de moyens nécessaires : la mise en place notamment d'un programme global d'encadrement et de mise à niveau des imams des mosquées, la redynamisation du rôle de celles-ci participent à coup sûr de cette nouvelle vision du champ religieux.

Soulignant d'ailleurs sa volonté de mettre en œuvre et sans la moindre hésitation la réforme du champ religieux, le Souverain n'a-t-il pas rappelé que « cette réforme institutionnelle ne saurait être complète que si l'on s'attelle à redynamiser le rôle des mosquées, tant il est vrai qu'elles constituent le cœur vibrant de la sphère spirituelle » ? Et, mettant en parallèle les différentes missions de cette enceinte spirituelle qu'est le lieu de culte islamique, Sa Majesté d'affirmer : « Notre vœu est de conforter les mosquées dans la vocation qui est la leur, en tant que lieux de culte et espaces d'invocation de Dieu, de guidance, d'orientation spirituelle et d'alphabétisation ».

Le Souverain, tout à son sens profond de la mesure, gardien vigilant de la règle et du patrimoine religieux du Maroc, a évoqué la « sensibilisation aux principes de la pensée religieuse éclairée » ! Nous sommes là, de toute évidence, au cœur de la problématique, aux premières marches de l'avant-garde d'une philosophie religieuse dont notre pays, et surtout le Roi du Maroc, demeure l'invincible dépositaire alors que, ici et là, s'allument les lampions du désordre religieux et des travestissements extrémistes qui sont, autant que l'aveuglement, les fossoyeurs de l'idéal originel. N'est-ce pas un tel souci qui justifie le passage dans le discours du Souverain selon lequel « la rénovation et la réorganisation du Conseil supérieur des ouléma et des conseils locaux des ouléma s'inscrivent dans une démarche ambitieuse hissant le discours religieux à la hauteur des réalités de notre époque et des impératifs de protection de nos jeunes contre la perte des repères et des références et les risques de les voir instrumentalisés par les trublions et les extrémistes de tout poil ». Instruit et inscrit fortement dans le terrain de la réalité de tous les jours, marqué du sceau de l'actualité se faisant, le discours royal ne perd jamais de vue la dimension quotidienne dont la religion constitue un pan majeur indépassable. Il en est le miroir et s'imbibe de cette réalité de tous les jours qui est aux hommes et aux femmes ce que le destin incontournable est à l'humanité.
Sa Majesté le Roi, Amir Al Mouminine ne néglige, tant s'en faut, aucun aspect de la vie religieuse de notre pays, n'écarte aucune spécificité, individuelle et collective, anticipe à vrai dire ce qui, au premier abord, se montre à nous d'une fugacité imparable, mais devient au fil du temps, en revanche, une tendance lourde de l'évolution religieuse du Maroc. On ne peut que souscrire, en effet, à l'annonce ainsi faite de la « mise en place d'une instance de recours, seule habilitée à mettre des fatwas (avis jurisprudentiels) ». Le Souverain affirme à cet effet : « Notre but est de mettre cette prérogative interprétative à l'abri des intrus et autres imposteurs qui se placent en marge du cadre religieux institutionnel, incarné par la Commanderie des croyants, dont nous sommes dépositaire ». Voilà qui met les choses à plat, et qui nous prévient opportunément et fermement à la lumière d'une actualité récente où se sont croisés l'imposture, voire un certain charlatanisme et une irrévérencieuse cupidité.
Le discours que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a prononcé à l'ouverture des travaux de la session ordinaire du Conseil supérieur des ouléma renforce, à coup sûr, la réforme profonde entamée sous son égide, notamment à partir du discours du 30 avril 2004 qui en a posé les tout premiers jalons. C'est une réforme audacieuse et modernisatrice, c'est pour ainsi dire une « révolution copernicienne » dans la science religieuse, articulée sur la rénovation de la carte de déploiement des conseils locaux des ouléma ; la création d'un Conseil pour la communauté marocaine en Europe ; la mise à niveau du rôle spirituel et pédagogique des mosquées ; celle de la prise en charge du personnel religieux et enfin le lancement du pacte des ouléma ( Mithaq al-Oulamae). L'histoire de la spiritualité du Maroc franchit un pas décisif, parce qu'elle donne l'exacte mesure de la puissance et la richesse de l'Islam du Maroc – dont Amir Al Mouminine est l'irréductible défenseur – qui est le fer de lance de l'unité, de la solidarité, du développement, de l'ouverture et de la tolérance.


Le Matin
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