Je commencerai par jeter un coup d’œil à ces cafés très en vogue, situés dans une ruelle dont le nom me rappelle étrangement notre indépendance et plus précisément à ces couples d’amoureux, ou pas qui viennent y discuter de leur bonheurs et déboires. Commençons par la jeune femme, galanterie oblige, son visage est fardé, comme celui d’un bouffon d’une comédie de Molière. Au bord de la syncope, la pauvre demoiselle toute emmitouflée dans des habits qu’elle n’a apparemment pas l’habitude de porter essaye d’entretenir la conversation. Oui mais le fait est là, elle y est là, assise face à ce gros tas de graisse qui n’a de masculin que cette cravate aux couleurs chatoyantes, oui, je sais, mais c’est tout ce que j’ai trouvé à dire. Restons sérieux, lui aussi porte bien son accoutrement, il le porte si bien que cette tête qui sort de ce col de chemise tout plein de crasse ressemble drôlement à cet animal qui nous est interdit de manger, nous musulmans. Qu’il est mignon, dirait mon amie T. qui se reconnaîtra.
Bref, gênés ils jettent des coups d’oeils de droite à gauche de temps en temps pour voir si on les regarde. C’est d’un manque de naturel extrême, je ne leur en veux pas j’ai plutôt envie de leur crier : Restez chez vous, bon sang, si vous n’êtes pas bien ! Pourquoi s’obliger à avoir une apparence qui n’est pas la sienne ? À fréquenter un endroit qui ne procure que gêne et mal à l’aise ? On y est bien pourtant au café maure des Oudayas, en Jean’s la tête contre le mur, les yeux scrutant l’horizon, admirant Salé, en sirotant de temps en temps un verre de thé à la menthe et en grignotant, pour les plus gourmands, un gâteau local. Bref, pour ne citer qu’un exemple entre plusieurs autres.
Passons au côté vestimentaire, nous portons l’habit ce n’est jamais lui qui nous porte. Nous nous habillons par pudeur, par respect pour les yeux de l’autre et pour ne pas heurter la sensibilité de cet autre. Oui, nous vivons en société et il faut bien se plier aux règles et normes de celle-ci. Portons ce qui nous va comme un gant, une seconde peau qui ferait partie de nous, de ce ‘Moi’ unique et jamais inégalé. Nous ne sommes pas des produits issus d’une chaîne du Taylorisme. L’apparence doit faire partie de soi et non être une copie conforme d’une autre qui n’est pas et ne sera jamais nous. Pour savoir si l’on est bien habillé il faudrait fermer les yeux et s’imaginer nu comme un ver, si être habillé donne cette impression c’est que l’on est bien dans ce qu’on porte et que cela nous convient tout simplement, bien sûr, sans jamais oublier que nous formons partie d’un groupe qui a des us et coutumes, une société qui a sa propre culture et ses propres traditions.
Malheureusement, sans cet habit qui le rend unique et qui le différencie des autres, comment reconnaîtrions-nous le moine ?
Morale de l’histoire :
Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce
Jamais un lourdaud, quoiqu'il fasse
Ne saurait passer pour galant.
Jean de La Fontaine ; Ane (l’) et le petit Chien (IV, 5)